La Faucheuse

C’était un soir de Décembre, la pleine lune projetait ses rayons au dessus des champs de blées. Elle était si belle et pourtant si seule, seule astre brillant dans la noirceur, présente, comme chaque nuit. Mya marchait, elle ne savait pas vers où, elle ne savait pas pourquoi, marcher était juste la seule chose qu’elle avait à faire.
Mya fixa l’étrange personnage ne sachant quoi lui répondre, à vrai dire, elle n’avait pas compris la moitié de ses paroles.
_ Mon nom est Mya Sangorn, cette fau m’a fait tomber. De quelle liste parlez-vous ?
_ Sangorn … Sangorn, ça me dit quelque chose. Dis moi Mya, ta mère aurait-elle perdu son âme cet après midi ? »
L’enfant sentit les sanglots monter dans sa gorge, l’inconnu disait vrai.
_ »Oh excuse moi petite ! Je suis tellement maladroit avec les enfants ! Il faut dire que je n’en croise pas souvent. Vois tu ma clientèle est plutôt d’âge mur. Mais tu sais, tu devrais lâcher cette fau. Donne la moi, elle t’encombre ! »
Il tendit la main, mais Mya n’avait pas du tout l’intention de s’en séparer, d’ailleurs elle ne voyait pas pourquoi il en faisait toute une histoire.
_ »non je l’ai trouvée la première, elle est à moi ! Si vous la voulez, il faudra la récupérer par la force !
_Je ne peut la récupérer, si j’en venais à te toucher, tu mourrais sur le champ !
Mya éclata de rire, c’est alors que le garçon plongea ses yeux des les siens, en un bref instant, Mya sentit son sang se glacer dans ses veines, le vent arrêta sa course, les grillons cessèrent leur chant. Il n’y avait plus un bruit, que le néant.
_ « Je suis la Mort. Dit-il. C’est moi qui ai pris la vie de ta pauvre mère, et ce n’était pas la seule aujourd’hui. Mais sache que je ne l’ai pas fait de gaité de cœur, je l’ai fait car c’est mon devoir, tout comme la lune doit éclairer la nuit, je prends les âmes. C’est ainsi, rien ni personne ne peut changer ça. Cette fau que tu tiens dans les mains est mon emblème, j’y suis rattaché, sans elle plus personne ne me reconnaît, comme le Roi a sa couronne, comme Saturne a ses anneaux j’ai ma fau, comment les âmes me suivront-elles jusqu’au pays des morts si elles ne me reconnaissent plus parmi la foule ?
Assis sur son trône, le Roi s’ennuyait. Ni femme, ni bouffon ne parvenait à le divertir. Tout au long de la journée, il restait vautré dans ses coussins, enfournant alcools et pâtisseries dans son estomac, attendant avec impatiente la catastrophe planétaire qui le sortirait de sa léthargie. Mais rien, aucun tremblement de terre, aucune tornade, et aucune irruption volcanique à l’horizon. Alors le roi faisait la guerre, il envoyait ses troupes combattre à travers tout le continent, il attaquait sans relâche, n’importe qui pour n’importe quoi. La Reine désespérait, il y avait bien longtemps que son Roi ne l’avait pas touché, d’ailleurs c’est à peine si il lui adressait la parole. Elle avait tout tenté pour le réveiller, mais rien n’y faisait, le roi ne supportait pas les bavardages et les mondanités.
Accoudé à la fontaine, le roi remplissait son dixième vers, regardant avec amusement ces hommes et ces femmes aux visages de porcelaine. Il ignorait que parmi eux se cachait la Mort, le guettant du coin de l’œil, comme le faucon guette sa proie. Désormais couché sur le rebord de la marche, le Roi riait, il riait à gorge déployée, sans savoir pourquoi. Son rire avait quelque chose de nerveux. Il se releva, titubant, tenant sa tête entre ses mains. Le décor se mit à tourner autour de lui, il sentait l’alcool lui monter au cerveau, anesthésiant ses nerfs et sa volonté. Une main s’empara de la sienne, l’entrainant dans la danse. Incapable de résister, il se laissa porter.
Un rire sadique interrompit sa transe, c’était une petite fille. Lorsqu’il l’aperçut l’enfant s’enfuit à travers la foule, mais son rire planait encore dans l’air, comme une menace. Le Roi se boucha les oreilles, mais rien n’y fit, le rire était toujours là. Il hurla, la tête lui tournait de plus en plus, partout où il regardait, il voyait d’horribles démons dont les chants lui perçaient les oreilles. Il tituba, tentant de se dégager. Le visage du garçon était réapparut, il s’avançait vers lui. Le Roi cria de nouveau, il voulait fuir mais ses jambes ne le portaient plus. Il était trop tard. La Mort était face à lui. A ses côtés l’enfant riait, et ce rire infernal lui figea le cœur.






La clef tourna dans la serrure, elle était prisonnière. Elle resta assise durant des heures sur le sol poussiéreux, espérant que la Mort revienne la délivrer, mais rien … personne. Il ne pouvait l’avoir abandonné, pas sans sa fau. La petite fille commençait à désespérer, lorsqu’il apparut enfin. Il était là, assis dans un coin de la cellule, la contemplant sans un mot.
_ « Aidez-moi » Supplia t’elle.
_ «  je ne puis sauver ta vie, je suis la mort et ta va mourir. »

De la poche de sa cape il sortit un vieux rouleau de parchemin, il le déplia. Sur la dernière ligne, la petite fille pût lire son nom : Mya Sangorn. Il n’y avait pas d’échappatoire. Alors elle s’abandonna dans les bras de la Mort, et tandis qu’il buvait le fluide de sa vie, Mya s’endormit, rêvant à sa mère qu’elle allait enfin retrouver.

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